samedi 22 octobre 2016

GRR 2016 - lâchez les fous!

Cette course n'était initialement pas prévue au programme. Mais après l'UTMB, je me retrouve 4ème de l'UTWT, ce qui est inespéré pour moi. Je me dis que ce serait quand même trop bête de me laisser doubler au classement en restant sur mon canapé, alors banco, je remets le couvert! Un coup de pouce d'isostar et de l'UTWT et me voilà donc de retour en terre réunionnaise, deux ans après ma 1ère diag'. Le programme du séjour, c'est une semaine les doigts de pieds en éventail sous les cocotiers... avec une petite bavante de 167k 9700+ au milieu!


Sur la ligne de départ, à quelques secondes du gong, je me sens incroyablement calme. Non pas que je sois particulièrement sereine quant à ma perf, je n'ai pas complètement récupéré de l'UTMB et des contractures récentes au dos me font soucis, mais cette course je la prends vraiment comme du bonus. Ca passe, c'est parfait, ça ne passe pas, tant pis!

Top départ, lâchez les fous!

Les fous sont lâchés, advienne que pourra! Photo: Jean-Pierre Vidot

Ca part à une allure qu'évidemment je ne peux pas suivre mais ça tombe bien, je n'en avais pas l'intention! Je sais parfaitement que les départs, ce n'est pas mon fort. Mais de toute façon, cette course va être longue, trrrrès looongue, alors autant ne pas se fatiguer sur ces premiers km roulants. A Notre Dame (3h09, 128ème), je suis 8ème femme mais je ne panique pas. Les jambes ne sont finalement pas si mal que ça...

Elle est pas belle la vie sur la diag'? Photo: iRunFar
Je continue mon petit bonhomme de chemin et, sans même le faire exprès, je commence à doubler quelques féminines. Musique dans les oreilles, j'avance plutôt bien alors que devant, ça commence à ralentir - départ trop rapide sûrement.

Mare à boue (6h27, 64ème), premier point d'assistance du team Gaspar,  un groupe de bénévoles qui fait l'assistance d'une 60aine de coureurs, dont moi donc, sur une 10aine de points sur la course. Je récupère les barres que j'avais préparées et engloutis mon 1er morceau de gâteau de patate douce. Et là c'est la révélation: c'est trop bon ce truc!!!

Je sors de mare à boue en 2ème position féminine! Sacré remontée en quelques heures et tout ça sans même avoir vraiment eu besoin d'appuyer sur le champignon... si tant est qu'il y ait un champignon sur mon diesel! Je suis régulière depuis le début de course et ça semble suffire pour le moment. 2ème donc mais devant, c'est Andrea Huser et ça, c'est une autre histoire. Andrea, je l'ai déjà rencontrée sur pas mal de course, TDS 2015, Madère, Eiger, UTMB 2016, et chaque fois elle m'a collé plusieurs heures dans les doigts de pieds! Aujourd'hui ne dérogera pas à la règle...

Le jour se lève et je découvre le magnifique cirque de Cilaos en contre-bas. Une des plus belles vues de la course. Pitons rocheux et lumières orangées du lever du jour, c'est juste grandiose. Décidément, je ne regrette pas le voyage! (pour le moment du moins...).

A Cilaos (9h20, 46ème), je retrouve Azzedine, mon grand cousin réunionnais, accompagné du team Gaspar. Changement de chaussures, récupération des barres, engloutissement d'un -non deux!- morceaux de gâteau de patate douce (décidément une tuerie!) et c'est reparti pour une loooongue traversée de Mafate.

Changement de chaussures à Cilaos. Photo: iRunFar

Les km qui suivent, je les redoute depuis le départ: 1000m+ en 5km jusqu'au col du taïbit. Attention chauffe gambettes! C'est une partie toute nouvelle pour moi puisqu'il y a 2 ans nous avions bifurqué ici même vers la caverne Dufour. Mais finalement, plus de peur que de mal puisque la montée passe relativement bien.

Plongée vers le redoutable cirque de Mafate. A partir d'ici, il va falloir courir intelligemment: longue, technique et en plein cagnard, ce n'est assurément pas sur cette partie que la course se gagne, mais c'est probablement ici qu'elle se perd! Côté chrono, mon écart avec Andrea continue d'augmenter lentement mais sûrement (quoique pas si lentement que ça en fait: déjà plus de 30'), alors que mon écart avec la 3ème, Emma Roca, est loin d'être confortable (une dizaine de minutes). Il ne va pas falloir chômer!

Les heures passent et les km avec (quoique pas tant que ça pour les km en fait!). Ce n'est pas facile de courir (cailloux+racine ou les deux en même temps de préférence). Ma moyenne horaire doit être particulièrement basse, c'est usant mais pourtant je prends mon pied. Ce passage est un de mes préférés. C'est sauvage, rude, c'est tout moi ça!

Quelque part dans Mafate. Photo: iRunFar

A sentier scout (13h51, 37ème), je retrouve le team Gaspar, mes barres mais grosse désillusion, il n'y a pas de gâteau de patate douce! Vais-je survivre à ce revers? A Grand place (15h48, 34ème) commence la dernière grosse montée du jour, la bagatelle de 1700m+ en 10km jusqu'au Maido! Je m'attends à ce que ce soit long mais je me trompe: ce n'est pas long, c'est interminable!!! La première partie est un supplice pour le moral: on monte, on descends, on monte, on descends, mais quand est-ce qu'on va vraiment prendre de l'altitude?

Enfin voilà les maisons de Roche Plate (18h02, 32ème), je n'y croyais plus! Je retrouve le team Gaspar mais toujours pas de gâteau de patate douce. Cette fois je crois bien que je ne vais pas pouvoir y survivre!! Devant ma mine déconfite, un bénévole de Gaspar part à la recherche du précieux sésame et ô miracle, revient avec le bien aimé! Un énorme merci à mon sauveur! :)

Grand sourire et grosse part de gâteau! Photo: Lois Mussard
A partir de là et jusque l'arrivée, je sais ce qui m'attend puisqu'on rejoint le parcours emprunté il y a 2 ans. Connaitre est sûrement un avantage car la montée se passe particulièrement bien. Peu avant le sommet je croise Fabrice D'Aletto, blanc comme un linge sur le bord du chemin. Il est avec son frère alors je continue mon chemin en l'encourageant à continuer mais honnêtement, vu son état à cet instant, je ne donne pas cher de sa peau. L'avenir me contredira...

Au ravito du Maido (19h52, 29ème), je retrouve mon grand cousin et le team Gaspar. Nouveau changement de chaussures et c'est parti pour 2000m- en 15km! Attention casse de gambettes! J'assure la descente car je sais qu'il me faut garder des forces pour la fin. Arrivée à Sans Soucis (21h49, 28ème), Emma m'a reprit quelques minutes mais ce n'est pas bien grave, mon avance est maintenant relativement confortable (autour de 30'). Devant Andrea est intouchable (1h30' d'avance!) et cela fait bien longtemps que j'ai abandonné toute idée de la titiller, si tant est que je n'ai jamais cru cela possible!

Au ravito de Sans Soucis. Photo: iRunFar
Au chemin Ratineau (23h38, 25ème), c'est là que les choses se compliquent. Physiquement je vais plutôt bien (enfin compte tenu que j'ai bientôt fait le tour du cadran) mais je commence à avoir une irrépressible envie de dormir. Je dois lutter pour garder les yeux ouverts même en courant. Cette sensation, je la connais bien puisqu'il y a 2 ans, il m'était arrivé exactement la même chose, un peu plus tôt d'ailleurs. Ca m'avait gâché la fin de course et je ne veux pas revivre ça aujourd'hui. Mais que faire? Me poser 5'? 10'? Vais-je réussir à dormir comme ça? N'est-ce pas risqué avec Emma pas si loin? ... Bref pleins de questions et aucune réponse...

Et pourtant la solution est toute autre et je l'ai sous les yeux: Stéphane Brogniart!!

En effet, nous repartons ensemble du chemin Ratineau et j'en profite pour lui faire la discut', me disant que ça me maintiendra peut-être éveillé. Et effectivement, c'est miraculeux: je n'ai bientôt plus envie de dormir. C'est ainsi que je décide de lui coller aux basques jusqu'à l'arrivée. Le moulin à paroles est en marche et il n'y a pas de bouton arrêt! Ca me tien éveillée, je m'en réjouis mais je ne suis pas sûre que Stéphane soit du même avis!! lol

On passe ainsi la Possession (25h15, 24ème), puis le redoutable chemin de Anglais jusque Grande Chaloupe (26h38, 22ème). Et blablabla et blablabla et blablabla. Il ne nous reste qu'une grosse bosse avant la délivrance pour les pieds (et les oreilles de Stéphane!). La montée est interminable, je commence à avoir vraiment envie d'arriver. Passé le Colorado (28h28, 22ème), commence la dernière mais redoutable descente jusque l'arrivée. Je préfère assurer pour ne pas tomber. Le diesel commence de toute façon à avoir les pneus tout dégonflés: peu de jus et l'envie de dormir qui me reprend. C'est alors que me double une formule 1 et je découvre ébahie qu'il s'agit de Fabrice que j'avais laissé liquéfié quelques heures plus tôt dans la Maido! J'hallucine comme il s'est refait une santé! C'est ainsi que, comme il y a 2 ans, il me double dans la dernière descente. Argh! Mais je ne perds pas espoir, un jour je l'aurai! :)

Peu après, j'ai des soucis de frontale et je dois m'arrêter. Stéphane continue son chemin, pour le plus grand bonheur de ses oreilles. Un coureur, François Teitgen, me rejoint et a la gentillesse de me donner sa lampe ventrale pour finir la course. Je la tiendrai à la main, ce n'est pas bien pratique mais il ne reste presque plus rien. Je franchis la ligne en 29h26, 2ème femme, 25/1688 au scratch (1.5%). Je suis super contente du résultat! Cette course ce n'était que du bonus et franchement, c'est un bien beau bonus!

I did it! Photo: iRunFar

Ainsi s'achève ma saison 2016 qui est de loin ma meilleure saison. Je finis 4ème au classement de l'UTWT. Cette médaille en chocolat contente parfaitement la gourmande que je suis! :)

Un grand merci à tous ceux qui m'ont suivie derrière leurs écrans, vous étiez nombreux à me pousser dans les montées. Merci au 100 mails des copains du nord, il n'en fallait pas moins! Des milliers de merci aux milliers de réunionnais qui m'ont encouragée sur les sentiers, vous êtes incroyables! Un très grand merci à mon équipe d'assistants, Azzedine et le team Gaspar. Toute ma gratitude à celui qui a cuisiné les gâteaux de patate douce. Toi, je te veux sur mon prochain ultra!! Un énorme merci à mon grand frère qui a assuré le suivi live sur tous les fronts, twitter, Facebook, SMS, tu m'as fait le grand jeu grand frère! Enfin merci à l'UTWT de nous faire vivre ces émotions!

Pour finir, toute ma reconnaissance à ceux qui m'ont soutenue cette saison: isostar, Raidlight, trailstore, NaïtupPolar, BVsport, Stations de trail.

Prochain épisode.... en 2017! :)